À la recherche de trésors cachés

Quand Heinz Scheiber et Peter Perren partent en montagne, ils n’ont qu’un objectif: trouver des cristaux de roche. Qu’est-ce qui les fascine dans la recherche de cristaux? Comment s’y prennent-ils? Et pourquoi ne s’aventurent-ils jamais seuls? Cap sur le col de la Furka pour le découvrir.

Peter Perren tente sa chance sur le flanc – sans succès cette fois. Mais la vue sur le glacier du Rhône est splendide. Photo: màd
Peter Perren tente sa chance sur le flanc – sans succès cette fois. Mais la vue sur le glacier du Rhône est splendide. Photo: màd

Le soleil vient à peine de se lever quand Heinz Scheiber et Peter Perren se retrouvent ce matin d’été à Altdorf. Se lever tôt, ils en ont l’habitude: depuis plus de trente ans, ils parcourent ensemble les montagnes à la recherche de cristaux dès que le temps le permet. Enfant, Heinz Scheiber accompagnait déjà son père, fasciné depuis toujours par les montagnes et les pierres étincelantes. Peter Perren, lui, a fait ses premières expériences plus tard, à l’âge adulte. Un ami l’a emmené, alors qu’il avait 25 ans, mais il avait tellement rempli son sac à dos que l’excursion s’est transformée en calvaire. «Je me suis promis qu’on ne m’y reprendrait plus!» raconte-t-il. Mais l’émotion de cette première fois ne l’a plus quitté: l’excitation face à l’inconnu, le frisson devant un indice prometteur, et le bonheur d’une découverte. «J’avais attrapé le virus.»

Arrivés au col de la Furka, ils sortent de leur coffre chaussures de montagne, barres à mine et lourds sacs à dos contenant gants, casque, marteaux, burins et sachets avec du papier bulle pour protéger d’éventuelles trouvailles. Ils suivent d’abord le chemin balisé: au-dessus, les marmottes sifflent, et malgré la chaleur en plaine, une veste est de rigueur. Très vite, ils quittent le sentier pour gravir un pierrier – toujours à l’affût du moindre indice.

Tandis que Peter Perren (à g.) examine une paroi, Heinz Scheiber travaille plus loin – mais toujours à portée de vue ou de voix. Photo: màd

Les surfaces lisses dans le quartz indiquent qu’une cristallisation, au moins partielle, a eu lieu. Photo: màd

Un peu en dessous du Muttgletscher, Heinz Scheiber (à g.) repère un endroit prometteur et commence à examiner la roche. Photo: màd

Stries et veines de quartz

Les cristaux de roche se forment lorsque des solutions riches en acide silicique refroidissent et cristallisent lentement, sur des millions d’années, dans des conditions spécifiques de pression et de température. Ce processus se déroule souvent dans des cavités ou des fissures de la roche. C’est pourquoi les chercheurs scrutent les irrégularités: stries, étranglements, pierres d’une autre nature, sols d’un aspect inhabituel, veines de quartz traversant la roche sans suivre son lit, surfaces lisses dans ces veines. Toujours à portée de vue ou de voix, Heinz Scheiber et Peter Perren explorent la zone, s’accroupissent pour inspecter une pierre, creusent parfois un peu.

Sans garantie de succès

Ils arpentent régulièrement une dizaine de secteurs, et explorent parfois aussi de nouveaux territoires. Depuis que Heinz Scheiber est à la retraite – il conduisait les bus de la société Auto AG Uri – et que Peter Perren, à 58 ans, a quitté son poste de responsable RH de l’hôpital de Nidwald pour se mettre à son compte, ils sont plus libres et partent plus souvent. Mais les trouvailles ne sont pas garanties. «Même sans cristaux, on profite d’une journée en pleine nature et de beaucoup d’exercice», sourit Heinz Scheiber. Ils ne cherchent pas à faire fortune: de temps en temps, ils vendent quelques pièces lors de bourses, surtout pour financer les permis nécessaires dans certaines zones. La plupart des découvertes sont offertes ou gardées dans leur collection. «Chaque pierre est unique et raconte sa propre histoire», ajoute-t-il.

Faut-il tenter l’ascension? Heinz Scheiber évalue la situation. Photo: màd

La recherche de cristaux exige une bonne condition physique et une implication totale. Photo: màd

Une bonne stabilité sur ses appuis est indispensable pour pratiquer la recherche de cristaux. Photo: màd

Les grosses découvertes sont rares

Arrivés sous le Muttgletscher, un vent frais souffle. Heinz Scheiber creuse un point prometteur et en sort des pierres aux belles surfaces lisses. Peter Perren accourt: parmi les fragments, un joli cristal avec une petite pointe attire son attention. Aussitôt, l’ambiance change: l’exploration tranquille laisse place à une excitation concentrée. Mais le succès est de courte durée: le sol gelé bloque rapidement la progression.

Après une courte pause de midi, ils reprennent le chemin, inspectant encore des rochers, parfois en creusant dessous. Des traces d’autres chercheurs apparaissent régulièrement. «Au cours des cent dernières années, l’exploitation intensive des cristaux de roche a réduit les chances de trouver des fissures facilement accessibles ou particulièrement grandes», explique Peter Perren. Mais tout n’est pas perdu: l’érosion et la fonte des glaciers révèlent sans cesse de nouvelles zones.

Un risque permanent

Cette évolution n’est toutefois pas sans danger: le dégel du permafrost provoque davantage d’éboulements et de chutes de pierres. Les risques sont bien réels, rappellent-ils, et tous deux connaissent des personnes qui sont décédées. «On prend un risque», admet Peter Perren. «Mais nous pouvons choisir jusqu’où aller.» Contrairement à la poignée – une douzaine environ – de chercheurs professionnels qui dépendent de leurs trouvailles et s’aventurent sur des terrains délicats, ils n’ont aucune pression, souligne Heinz Scheiber: «Nous pouvons calculer le risque. Et nous ne partons jamais seuls.»

L’importance de cette règle se confirme un peu plus tard: Peter Perren découvre une belle pointe isolée, légèrement jaunie par la présence de limonite. Elle provient sûrement d’un affleurement plus haut, reconnaissable à la même coloration. Mais y accéder n’est pas simple: la roche est instable et en contrebas s’ouvre un vide de plusieurs mètres. Pour atteindre l’endroit, il faudrait escalader un passage risqué. L’envie brûle chez Peter Perren, mais Heinz Scheiber reste prudent. Après une brève discussion, ils renoncent. Ils entament la descente – et la course inattendue d’une marmotte dodue offre une conclusion parfaite à cette journée radieuse, faite de complicité, d’air pur et d’une belle découverte.