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Dans l’œil de la tempête ISFM

Les délais de traitement pour les demandes de titre occupent l’asmac depuis longtemps – mais récemment, la crise s’est encore considérablement aggravée. La Chambre médicale a adopté le 6 novembre une solution de compromis suite aux propositions déposées par l’asmac. Severin Baerlocher, président de l’asmac, et Richard Mansky, vice-président, expliquent comment celle-ci a vu le jour et à quoi l’on peut désormais s’attendre.

Durant les semaines avant la Chambre médicale, l’asmac s’est retrouvée au cœur de la tempête ISFM. Le vent soufflait dans toutes les directions.  Photo: Adobe Stock / Tryfonov
Durant les semaines avant la Chambre médicale, l’asmac s’est retrouvée au cœur de la tempête ISFM. Le vent soufflait dans toutes les directions. Photo: Adobe Stock / Tryfonov

Severin, lors du séminaire de politique professionnelle de l’asmac pour préparer la Chambre médicale, tu as utilisé des métaphores fortes. Tu as notamment dit que l’asmac se trouvait dans l’œil de la tempête. Que voulais-tu dire par là?

Severin Baerlocher (SB): Dans les semaines avant la Chambre médicale, nous étions effectivement pris au cœur de la tempête. Malgré nos efforts entrepris depuis janvier, nous n’avons constaté aucun progrès au niveau des délais de traitement pour les demandes de titre à l’ISFM, au contraire. La durée de traitement est passée à près de douze mois. Nous avons donc ressenti une pression croissante de la part des membres concernés et des sections. À cela est venu s’ajouter un groupe autonome, qui a fondé une association pour lancer des actions en dommages-intérêts contre l’ISFM. Nous avons réagi par une communication accrue et deux lettres ouvertes à la FMH et à l’ISFM, en plus des propositions déjà déposées à l’intention de la Chambre médicale. En particulier notre deuxième lettre ouverte a été mal accueillie par la FMH et les autres organisations de base. On nous a reproché de risquer une scission du corps médical. Et nous avons ressenti une forte résistance de toutes parts.

Richard Mansky (RM): Et nous risquions d’être confrontés au scénario le plus défavorable: échouer avec nos propositions à la Chambre médicale. Dans ce cas, l’asmac aurait été isolée au sein du corps médical, et nous nous serions retrouvés les mains vides, ce qui n’aurait été d’aucun secours pour les membres concernés. Nous sommes donc heureux d’avoir pu négocier une solution de compromis appropriée. Elle permet d’envoyer un signal important à tous les médecins concernés.

Le compromis que vous évoquez et qui a été décidé par la Chambre médicale n’est pas la panacée.

RM: Il s’agit clairement du meilleur compromis que nous pouvions obtenir. Nous avions des revendications plus poussées dans nos propositions. Nous voulions obtenir une exonération totale à partir d’un délai d’attente de trois mois. Nous avons obtenu une réduction de 50% pour tous ceux qui attendent depuis plus de six mois. Nous voulions aussi que la FMH mette à disposition des moyens financiers pour soutenir les médecins concernés qui se sont retrouvés en difficultés financières à cause des délais de traitement. Cela n’a pas pu être atteint.

SB: Comme il est d’usage, nous avons mené de nombreuses discussions avant la Chambre médicale avec les autres organisations qui y sont représentées. Nous avons été obligés de constater que nos revendications maximalistes n’avaient aucune chance d’aboutir. Si nous n’étions pas entrés en matière sur la proposition de compromis, nous n’aurions rien obtenu. Nous avons donc au moins obtenu la réduction évoquée, et cela pour tous les médecins dont le titre a été octroyé après le 1er janvier 2025, moyennant un délai d’attente d’au moins six mois. De plus, comme nos deux autres propositions ont été adoptées par une très nette majorité, la Chambre médicale a accepté de s’engager pour surmonter la crise et pour améliorer la communication, et que la FMH soutiendra l’ISFM dans ses efforts.

À quoi les médecins concernés peuvent-ils s’attendre?

RM: La FMH l’a clairement communiqué: les demandes en suspens ne peuvent pas toutes être traitées à brève échéance. Même si l’ISFM bénéficie maintenant d’un soutien, il faut du temps jusqu’à ce que la durée de traitement de 90 jours soit rétablie. Nous attendons de l’ISFM qu’il améliore sa communication de manière à ce que les médecins requérants puissent, en tout temps, obtenir des informations détaillées sur l’état de traitement de leur dossier.

SB: En outre, nous nous engageons avec la FMH auprès des hôpitaux et des cantons pour la mise en place de solutions transitoires, par exemple pour qu’un poste de chef de clinique puisse temporairement être occupé sans titre de spécialiste, ou que l’activité en cabinet puisse malgré tout être entamée. Comme les durées de traitement ne vont pas baisser du jour au lendemain, il est important pour les médecins concernés de trouver des solutions flexibles à l’instar de celles qui sont déjà en vigueur dans certains cantons et hôpitaux.

Qu’en est-il de celles et ceux qui attendent leur titre depuis longtemps et qui ont parfois subi un préjudice financier important?

SB: Nous sommes conscients que certains médecins ont subi un préjudice financier considérable. Cela concerne aussi les actions en dommages-intérêts qui sont visées, notamment par l’association Relève Médicale Suisse. Au final, il faudra examiner chaque cas. À l’heure actuelle, on ne sait pas quelles sont les chances de réussite, ni quels coûts une telle procédure peut entraîner. La seule chose que l’on sait, c’est que ces actions en dommages-intérêts ne permettront pas d’accélérer l’octroi des titres de spécialiste.

On a parfois eu l’impression que l’attitude de l’asmac a été trop passive dans la crise de l’ISFM et qu’elle ne s’est pas assez souciée des préoccupations de ses membres. Pourquoi en sommes-nous arrivés là?

SB: Nous avons toujours été convaincus que le problème devait et pouvait être résolu au sein de la FMH. Le fait que la formation médicale postgraduée soit gérée par le corps médical est un privilège que nos collègues européens nous envient. Cela ne doit pas changer. Il était donc important d’entretenir un dialogue dans un esprit de partenariat au sein de nos organes. Cela fait longtemps que nous sommes actifs dans les coulisses et que nous déposons nos propositions dans les organes de la FMH et de l’ISFM. La difficulté était qu’il nous était impossible, pour des raisons de confidentialité, de systématiquement le communiquer à l’extérieur.

RM: Après la Chambre médicale, en juin, nous sommes partis de l’idée que l’ISFM allait maîtriser le problème. Ça n’a hélas pas été le cas. À l’automne, le nombre de demandes de titre en souffrance et les délais d’attente avaient atteint un tel niveau que nous avons été contraints de passer à la vitesse supérieure, ce qui nous a conduits à publier les lettres ouvertes.

Quelle est votre position vis-à-vis de l’association Relève Médicale Suisse, qui a été fondée au début octobre et qui a aussi vertement critiqué l’asmac?

RM: Ce groupe a été fondé par des médecins concernés, qui en avaient assez d’attendre et qui ont emprunté la voie juridique. Ils ont interpellé l’autorité de surveillance. Je comprends leur choix de s’engager dans cette voie, qui est susceptible d’apporter, à court terme, des succès individuels. Nous devons cependant aussi penser aux futurs médecins. La formation médicale postgraduée doit rester aux mains des médecins. L’ISFM doit continuer de faire partie de la FMH, et les délais de traitement doivent durablement baisser. La meilleure façon d’y parvenir est de tenter de résoudre ensemble la crise au sein de la FMH dans un esprit constructif.

Comment en est-on arrivé à une telle augmentation des délais de traitement pour les demandes de titre, qui atteint actuellement environ douze mois?

SB: C’est effectivement incompréhensible. On nous a longtemps promis que l’ISFM était sur la bonne voie. Malgré cela, les délais de traitement n’ont cessé de s’allonger. C’est pourquoi il faut que les événements à l’ISFM fassent l’objet d’un audit externe, qui a également été décidé par la Chambre médicale. Ce processus est important pour éviter à tout prix une crise de cette ampleur à l’avenir.

Vous êtes respectivement président et vice-président de l’asmac depuis peu et avez été fortement mis à contribution par la crise à l’ISFM. Quelles sont les questions que vous vous réjouissez d’aborder une fois que celle-ci sera réglée?

RM: La crise à l’ISFM n’est pas terminée, mais nous espérons effectivement être sur la bonne voie. Je me réjouis surtout de pouvoir à nouveau investir plus de temps dans l’amélioration des conditions de la formation médicale postgraduée.

SB: Un autre sujet phare de l’asmac est la semaine de 42+4 heures. Nous tenons à ce qu’elle continue de faire son chemin, notamment parce qu’elle permet d’aborder simultanément plusieurs revendications de l’asmac.

La crise des titres à l’ISFM

La situation concernant les délais d’attente pour l’octroi des titres de spécialistes à l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) s’est nettement détériorée depuis l’été: le délai d’attente est d’environ douze mois. Le préjudice pour les médecins concernés par ces délais excessivement longs est grand: la carrière est bloquée et les médecins concernés subissent un préjudice financier résultant des augmentations de salaire manquées.

La Chambre médicale a adopté des mesures importantes le 6 novembre 2025 sur la base des propositions déposées par l’asmac. La FMH soutient l’ISFM dans ses efforts pour réduire au plus vite la durée de traitement des demandes de titre, également en mettant à disposition des ressources en personnel. La FMH et l’ISFM travaillent ensemble à l’amélioration de la communication avec les médecins requérants et vis-à-vis du public. La Chambre médicale recommande par ailleurs à l’ISMF d’accorder une réduction temporaire des émoluments de 50% pour les médecins concernés, s’ils ont obtenu leur titre après le 1er janvier 2025 et attendu plus de six mois pour l’obtenir. Cette recommandation a été adoptée sans opposition lors de la séance du comité de l’ISFM du 20 novembre 2025. Le rabais de 50% sur les émoluments peut donc être mis en œuvre. Vous trouverez de plus amples informations sur l’état actuel et la marche à suivre dans le communiqué de l’ISFM, et sur le site web de l’ISFM, qui comprend désormais aussi une FAQ complète pour les médecins requérants concernés.