- My Way
Comment favorisez-vous la santé mentale dans les régions du Sud, Madame Müller?
Monika Müller est psychiatre, chercheuse et fondatrice de l’association à but non lucratif Delta. Dans toutes ses fonctions, elle poursuit un seul objectif: offrir aux personnes souffrant de troubles psychiques un traitement fondé sur des données probantes.
14.10.2025
«Monika Müller s’engage pour la santé mentale en Suisse et dans le monde.»
Monika Müller, vous avez choisi de vous spécialiser dans deux domaines à la fois: la psychiatrie et la santé publique. Pour quelle raison?
Je trouve les pathologies psychiatriques très intéressantes, mais en tant que psychiatre, je m’occupe principalement de l’individu et de sa famille. La perspective globale de la population joue un rôle secondaire dans les soins cliniques. Or, c’est précisément cette perspective qui est importante pour promouvoir la santé mentale de manière globale. Comment organiser les soins psychiatriques et psychothérapeutiques de manière à atteindre toutes les personnes concernées? À cet égard, il est également important, par exemple, de comprendre l’AI du point de vue de la politique de santé.
Vous couvrez non seulement un large éventail de thèmes, mais aussi une vaste zone géographique: dans le cadre de vos recherches, vous vous intéressez à la couverture en soins dans les pays du Sud et, avec l’association Delta, vous vous engagez activement pour l’améliorer. Comment l’idée de Delta est-elle née?
Le besoin de m’engager pour un accès plus équitable aux soins de santé à l’échelle mondiale m’a toujours motivée. Cependant, pendant mes études, j’ai été confrontée au fait que cela n’était pas si simple en psychiatrie. Les chirurgiens peuvent s’engager pendant quelques semaines par an dans un pays du Sud. En psychiatrie, où le contexte est très important, cela n’est pas possible. J’ai donc cherché d’autres moyens de m’engager. Et j’ai réalisé que c’était possible, mais à un autre niveau, par exemple en conseillant des spécialistes d’autres pays ou en comparant différents modèles de soins dans le cadre d’essais cliniques et en évaluant leur rentabilité.
Personnalités inspirantes sous le feu des projecteurs
Précurseur courageux, cheffe empathique, formatrice charismatique, combattant politique: les caractéristiques et rôles qui peuvent servir de source d’inspiration aux jeunes médecins sont nombreux. Dans la série «My Way», nous donnons un aperçu des idées, expériences et parcours de personnes qui se distinguent par leur cheminement ou leur manière d’être.
A-t-il été difficile de créer une association?
À vrai dire, fonder une association est facile, à condition que d’autres personnes partagent la même vision. Nous avons fait appel à un juriste à la retraite pour nous aider à rédiger les statuts. Sinon, au début, nous avons tout fait nous-mêmes. Plus l’association grandissait, plus certaines tâches devenaient complexes. Nous avons donc professionnalisé certaines choses. Mais parfois, justifier notre existence représentait un défi presque plus grand encore. On m’a dit à plusieurs reprises que je passais à côté de l’essentiel et qu’il fallait promouvoir d’autres offres médicales dans les régions mal desservies. Mais je m’oppose fermement à cette idée. La transition épidémiologique est également terminée dans de nombreux pays en développement, les maladies non transmissibles sont en augmentation – et les troubles psychiques en constituent une part importante. Jusqu’à 90% des personnes qui en souffrent n’ont pas accès à un traitement adéquat.
Pour Delta, vous et vos collègues suisses n’exercez pas d’activité clinique. Quel est votre rôle?
L’un des facteurs de notre succès réside dans ce que l’on appelle la gestion duale des projets. Cela signifie que chaque projet est dirigé à la fois par des spécialistes de Delta et par des partenaires locaux. Ces derniers formulent eux-mêmes les projets, ce qui garantit une grande responsabilité locale. Outre le soutien financier, nous aidons à la formulation et à l’organisation des projets, et veillons à leur qualité technique.
Y a-t-il des conflits?
Il arrive parfois que nous ne soyons pas d’accord. Il faut alors déterminer les conditions rédhibitoires pour chacune des parties, celles qu’il faut accepter et les zones d’ombre sur lesquelles on peut discuter. J’ai appris qu’il est parfois possible de faire abstraction de quelque chose qui ne correspond peut-être pas à la norme d’excellence. Mieux vaut un projet qui n’est pas tout à fait parfait que pas de projet du tout.
Biographie express
Monika Müller a obtenu un titre de spécialiste en psychiatrie et en santé publique, et exerce dans ces deux domaines: en tant que médecin adjointe des services ambulatoires des Services psychiatriques de Lucerne (LUPS), elle travaille en milieu clinique, et en tant que professeure assistante à l’Université de Lucerne, elle mène des recherches sur les soins psychiatriques, en particulier dans les pays du Sud. En 2011, elle a fondé l’association à but non lucratif «Delta – develop life through action». Celle-ci facilite les soins professionnels à l’intention des personnes souffrant d’un trouble psychique et vivant dans des pays à ressources limitées.