- Conseil juridique de l'asmac
Clause de prohibition de concurrence dans les contrats de travail de médecins
09.12.2025
Mon nouveau contrat de travail comporte une clause qui m’interdit d’ouvrir mon propre cabinet dans les trois ans qui suivent la fin de mon contrat de travail et cela dans un rayon de 10 kilomètres. Dans quelle mesure une telle clause est-elle autorisée?
De plus en plus de contrats de travail dans les hôpitaux et les cabinets privés contiennent des clauses de prohibition de concurrence qui interdisent aux médecins, après la fin de leur contrat de travail, d’ouvrir leur propre cabinet ou d’exercer pour d’autres médecins dans le même secteur géographique.
Cadre légal
Selon les art. 340 ss. CO, de telles clauses ne sont valables que si elles:
- ont été convenues par écrit,
- reposent sur l’accès à la clientèle ou à des secrets d’affaires,
- sont appropriées en termes de durée (trois ans maximum), de portée géographique et matérielle.
Jurisprudence du Tribunal fédéral
La jurisprudence du Tribunal fédéral est claire: si la clientèle est liée en raison des capacités personnelles du médecin et d’une relation de confiance, la clause de prohibition de concurrence n’est pas valable. Dans l’ATF 138 III 67, le Tribunal fédéral a exclu l’applicabilité d’une clause parce que la relation avec le patient reposait sur les compétences personnelles du fournisseur de prestations. Dans le cas concret, il s’agissait d’un médecin-dentiste. Le principe s’applique donc par analogie aux médecins.
Doctrine: connaissances techniques vs qualités personnelles
La doctrine s’est réjouie de cette approche: selon Aubert [1] et d’autres auteurs, une clause de prohibition de concurrence n’est justifiée que si la perte de la clientèle repose sur de simples connaissances techniques. Toutefois, si la fidélité des patients est due aux qualités personnelles du médecin et à la relation de confiance, la clause est nulle. Cette approche «équilibrée» protège à la fois les intérêts de l’institution, le libre exercice de la profession de médecin et le libre choix du médecin par les patients.
Les clauses trop étendues (par exemple, une interdiction de deux ans avec un rayon de 10 kilomètres) sont donc souvent nulles ou peuvent être réduites. De plus, le libre choix du médecin renforce la nullité de telles restrictions.
Exemple typique d’une clause
Un contrat de travail peut par exemple contenir la disposition suivante:
«Pendant toute la durée du contrat et pendant deux ans après sa fin, la collaboratrice ou le collaborateur s’engage à ne pas exercer d’activité concurrente ou similaire dans un rayon de 10 kilomètres de son lieu de travail. En cas d’infraction, l’établissement a droit à une indemnité pouvant atteindre le montant du salaire annuel brut.»
Analyse critique
Une telle clause est problématique à plus d’un titre:
- la durée de deux ans se situe au maximum légal et est souvent excessive;
- le rayon de 10 kilomètres peut être disproportionné dans les zones urbaines;
- le manque de clarté de la notion d’«activité similaire» entraîne un risque d’imprécision;
- la peine conventionnelle d’un montant équivalent à un salaire annuel tend à être excessive et peut donc être réduite.
Globalement, la jurisprudence considère souvent les clauses de ce type comme nulles ou excessives, étant donné que la relation médecin-patient repose essentiellement sur la confiance et non sur des secrets d’affaires transmissibles.
Bonne pratique à la sortie
Lors de la fin des rapports de travail, il convient d’éviter tout contact actif avec les patients (quête de clients = violation du devoir de fidélité selon l’art. 321a CO), tandis qu’il est permis d’informer de manière générale et après la fin du contrat (p. ex. annonce dans les journaux, sur le site web) et de répondre aux questions des patients de manière transparente et objective.
Conclusion
Le droit suisse protège le libre exercice de la profession de médecin et le libre choix du médecin par les patients. Il convient donc de toujours vérifier la proportionnalité d’une clause de prohibition de concurrence avant de la signer. En cas de doute, il est recommandé de contacter le conseil juridique de la section compétente de l’asmac.
Bibliographie
- Gabriel Aubert, in: Commentaire Romand – Code des obligations, Bd. I, 2003, N. 9 zu Art. 340 OR.