- La medicina incontra l’arte
Une association pour l’art médical
Beaucoup de médecins possèdent un véritable flair pour l’art – et nombre d’entre eux sont eux-mêmes créatifs. Depuis 77 ans, le Salon des Médecins Suisses offre une scène aux œuvres d’art visuel réalisées par des médecins. Mais les attentes à l’égard de cette plateforme ont profondément évolué.
09.12.2025
Aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, il était courant que de grands noms de la médecine se distinguent aussi comme hommes politiques, experts en art, collectionneurs ou mécènes, et que certains exercent même une influence déterminante sur le plan artistique.
Aujourd’hui encore, de nombreux professionnels de la santé sont actifs dans la création artistique sans pour autant se considérer comme membres de la «scène artistique». Dans leur métier, ils sont quotidiennement confrontés à des questions culturelles et éthiques, à des émotions multiples – peur, tristesse, compassion, patience, dégoût, honte, gratitude, joie, pouvoir et impuissance – qu’ils ressentent souvent comme entremêlées et contradictoires. La pratique artistique leur sert alors de moyen de détente, de réflexion, ou des deux à la fois. Leurs œuvres naissent ainsi sur fond d’un vécu humain et professionnel d’une grande complexité. Par le biais de la création, le savoir et l’expérience médicale se transforment en une perception sensible, ouvrant peut-être même sur de nouvelles perspectives.
Le Salon des Médecins Suisses
Pour offrir une vitrine à ces œuvres, le Salon des Médecins Suisses – appelé par la suite simplement «le Salon» – a été fondé en 1948. En 1950, l’un de ses membres fondateurs, le Dr Hans Pfosi, observait: «À y regarder de près, la médecine et l’art présentent davantage d’affinités électives que la médecine et la science.»
De fait, les médecins ne se limitent pas aux arts visuels: on trouve aussi parmi eux des écrivains et des musiciens. En Suisse, l’Association des écrivains médecins suisses a vu le jour en 1956, suivie en 1968 du premier Orchestre des médecins suisses, I Medici.
Une exposition permanente à Morat
Les membres fondateurs du Salon s’étaient fixé trois objectifs principaux:
- Organiser chaque année une exposition d’art;
- Participer à des expositions internationales d’artistes médecins;
- Entretenir l’esprit de camaraderie par des excursions et visites communes.
Jusqu’en 1990, le Salon organisait ses expositions annuelles dans différentes villes. Depuis 1991, l’Hôtel de ville de Morat en est le lieu permanent. Certaines années, une seconde, voire une troisième exposition était mise sur pied.
Les participations à des expositions à l’étranger n’ont eu lieu que durant les premières années, tout comme les excursions collectives. En revanche, les vernissages annuels, souvent accompagnés de performances de médecins musiciens, sont devenus des événements sociaux marquants, renforçant la cohésion du groupe.
L’art au service de la médecine
La relation entre l’art et la médecine s’inscrit dans une longue tradition; dans l’Antiquité déjà, on pensait que la musique était dotée d’un pouvoir curatif. La série «L’art au service de la médecine» est consacrée aux multiples aspects de cette relation.
Adhésion à l’association
À ses débuts, le Salon comptait uniquement des médecins – dont une seule femme– parmi ses membres actifs. Les premiers statuts, adoptés en 1956, précisaient: «Peuvent être admis comme membres: les médecins, exceptionnellement les vétérinaires, les médecins-dentistes, les pharmaciens et les étudiants.»
Bien que l’on se soit montré ouvert à d’autres professions de la santé, le nombre d’œuvres soumises dépassait déjà les capacités d’exposition. Par la suite, le Salon s’est progressivement ouvert à tous les professionnels de santé, aux conjointes et conjoints de membres actifs et à des collègues de l’étranger. Aujourd’hui, il compte 65 membres, dont 59 actifs.
Une relation changeante avec le marché de l’art
Dès le départ, deux types d’artistes-médecins exposaient au Salon: ceux qui se considèrent comme appartenant à la scène artistique, et ceux qui créent pour leur propre plaisir ou comme forme de réflexion personnelle. Leurs attentes diffèrent: les premiers recherchent une présentation publique comparable à une galerie, avec la possibilité de vendre leurs œuvres; les seconds préfèrent un cadre plus intime et modeste, ne concevant la vente qu’à des fins caritatives.
Dans les premières décennies, la tendance «introvertie» dominait: le Salon se voulait plus mécène que regroupement d’artistes. Les recettes étaient reversées à la Caisse de soutien aux artistes de Genève, et plusieurs expositions furent organisées au profit d’œuvres caritatives. À plusieurs reprises, la proposition d’autoriser la vente d’œuvres lors de l’exposition annuelle fut rejetée.
Mais au fil du temps, l’image du médecin comme «bienfaiteur paternaliste» s’est estompée, tandis que grandissait le nombre de médecins s’affirmant comme artistes à part entière. Le contexte social a lui aussi changé, avec des conséquences sur la situation financière de l’association: les coûts d’exposition ont augmenté, tandis que sponsors et donateurs se faisaient plus rares.
Face à ces changements, l’association a dû s’adapter. En 2013, les membres ont accepté la vente d’œuvres lors de l’exposition annuelle. Trois ans plus tard, une commission de galerie sur les ventes a été instaurée pour soutenir les finances de l’association.
En 77 ans d’existence, le Salon des Médecins Suisses est ainsi passé d’un événement proche d’une œuvre de bienfaisance à une organisation artistique comparable à une galerie.
La médecine dans l’art
Médecine et art entretiennent depuis toujours un lien étroit et s’influencent mutuellement. Il n’est donc guère surprenant que des thèmes médicaux soient fréquemment traités dans la création artistique. On en trouve des témoignages à toutes les époques, si l’on considère, par exemple, les offrandes votives destinées à protéger contre la maladie ou la mort, ou encore les rituels de fertilité.
L’art religieux – notamment dans le culte des saints – regorge d’allusions à la maladie et aux blessures, ce qui en fait aujourd’hui un sujet d’étude privilégié.
De cette observation est née une discipline spécifique: l’iconodiagnostic, soit l’étude des maladies et traumatismes représentés dans les œuvres anciennes.
Avec l’apparition de l’écriture puis de l’imprimerie, les témoignages se multiplient. Outre les œuvres à visée documentaire, apparaissent aussi des créations qui font de la médecine elle-même un sujet artistique.