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Aspects spécifiques au sexe en pharmacothérapie
L’efficacité d’un traitement dépend aussi du sexe. Bien que la sensibilisation à cette réalité progresse, des lacunes de recherche persistent et il manque des directives claires ainsi qu’une volonté politique pour mettre en œuvre des pratiques sensibles au genre.
12.08.2025
Aujourd’hui, il est clairement établi que le genre joue un rôle en pharmacothérapie, mais le système médical a jusqu’ici eu du mal à intégrer ces connaissances – tant dans le développement des médicaments et les études cliniques que dans la réglementation et la commercialisation. La médecine de genre est ainsi confrontée à des obstacles systémiques et politiques.
Exemples de différences physiologiques
Pharmacocinétique
La pharmacocinétique (absorption, distribution, métabolisme et excrétion) peut varier en raison des différences biologiques entre les sexes. Certaines de ces différences sont bien documentées, mais de nombreuses zones restent encore peu explorées.
- Absorption: chez les femmes, le temps de vidange gastrique et le transit intestinal sont plus longs, de sorte que les substances ont tendance à atteindre leur concentration maximale plus tard. Les formes à libération prolongée sont mieux absorbées en raison du séjour prolongé dans l’intestin grêle. Le pH gastrique plus élevé chez les femmes influence également l’absorption des substances pH-dépendantes.
- Distribution: des variations de la teneur en eau de nature hormonale et un rapport masse grasse/masse musculaire différent entraînent des fluctuations des concentrations médicamenteuses. La liaison aux protéines peut aussi varier entre les sexes, influençant l’exposition à la fraction active libre du médicament. De plus, les femmes ont généralement un poids corporel plus faible.
- Métabolisme: les femmes expriment davantage les enzymes du cytochrome P450 (CYP) 3A4 et 2B6, mais moins les CYP 1A2, 2D6 et 2E1, ce qui modifie leur exposition aux médicaments métabolisés par ces enzymes.
- Excrétion: les médicaments éliminés par voie rénale restent plus longtemps dans l’organisme féminin, car la filtration glomérulaire et les processus tubulaires sont plus efficaces chez les hommes.
Pharmacodynamie
La pharmacodynamie – soit l’effet du médicament sur l’organisme – présente également des différences liées au sexe. Grâce à la recherche moléculaire, de plus en plus de variations spécifiques au sexe sont identifiées: expression des récepteurs, transduction du signal, fonctionnement des canaux ioniques, etc. Les hormones influencent aussi la fonction ou la sensibilité des récepteurs, ce qui peut expliquer en partie les différences en termes d’efficacité et de profil des effets secondaires.
Importance clinique et problèmes de dosage
Dans le passé, les doses, l’efficacité et la toxicité des médicaments ont été extrapolées à partir de données issues majoritairement d’hommes. Ainsi, les femmes reçoivent souvent des doses trop élevées par rapport à leur profil pharmacocinétique, ce qui pourrait expliquer pourquoi elles souffrent plus souvent d’effets indésirables. Plusieurs sources bibliographiques ont montré que les femmes profiteraient généralement de doses plus faibles dans la plupart des études cliniques. Tant que ces différences ne sont pas étudiées de manière proactive et intégrées dans les informations sur les médicaments, les médecins continueront de ne recevoir que rarement des instructions leur demandant d’adapter les doses en fonction du sexe.
Causes historiques et structurelles
À la suite du scandale du thalidomide – un sédatif qui, dans les années 1950–60, avait provoqué en Allemagne des malformations congénitales (dysmélies, amélies) chez les nouveau-nés après un usage en début de grossesse –, les directives ont recommandé d’exclure les femmes en âge de procréer des études cliniques (précoces). Si elle partait d’une bonne intention, cette mesure a creusé le fossé des connaissances. Même après la levée de ces recommandations dans les années 1990, les femmes sont encore sous-représentées dans de nombreuses études de phases I et II.
La recherche préclinique repose elle aussi en majorité sur des cellules et modèles animaux mâles, notamment pour éviter les répercussions des variations hormonales du cycle féminin.
Autre obstacle: l’absence d’analyses de sous-groupes selon le sexe dans les données disponibles, même quand cela serait possible. Il est à noter que les revues scientifiques n’exigent généralement pas de telles analyses.
En résumé, on a souvent conçu des médicaments pour les hommes, en transposant les résultats aux femmes, ce qui a produit des résultats insuffisants.
Pourquoi ces lacunes persistent-elles?
L’interaction entre science, politique et économie explique pourquoi le sexe et le genre sont historiquement pris en compte de manière inégale. Les priorités sociales et commerciales peuvent jouer un rôle, comme le montre le contraste entre le long processus d’autorisation (environ 4 ans) du mifépristone (médicament abortif) par la FDA et l’approbation rapide (environ 6 mois) du sildénafil (Viagra®) aux États-Unis.
Les autorités de régulation et sanitaires commencent à réagir à cette problématique. Ces dernières années, on exige de plus en plus une approche spécifique au sexe et au genre à toutes les étapes, de la recherche fondamentale au post-marketing. Cela inclut le recrutement de cohortes équilibrées, l’analyse des résultats par sexe, ou encore la prise en compte de facteurs comme l’adhésion au traitement. Toutefois, même en présence de directives, leur application reste variable. Certains estiment que le changement ne viendra que lorsque les autorités de régulation rendront ces exigences obligatoires pour l’autorisation de mise sur le marché.
Conclusion
Le message fondamental pour les professionnels de la santé est que de nombreux facteurs influencent l’efficacité d’un traitement médicamenteux, notamment le sexe et le genre. Une médecine centrée sur le patient exige que ces aspects soient intégrés au choix et au dosage des traitements. Dépasser les obstacles à une médecine sensible au genre suppose non seulement des efforts scientifiques, mais aussi une volonté politique d’imposer des pratiques inclusives à l’échelle individuelle et sociétale.
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